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Au volant de ma belle mustang fastback, j'avais décidé de me poser pour la soirée dans un endroit que j'affectionnais. Roulant sur Burleight avenue, je virai sur une ruelle à gauche et garai mon véhicule à cet endroit. Quand je fus sorti, je fis quelques pas avant de me trouver devant une vieille bâtisse miteuse. L'enseigne rougeoyante portant le nom de « Paris Cat » clignotait une fois sur deux, et les murs de briques poussiéreux donnaient presque l'impression que le toit allait s'écrouler et me tomber sur la tête. J'entrai finalement dans le club de Jazz, aussitôt la porte passée, l'ambiance chaleureuse me mit à l'aise. Descendant les marches une à une, je pouvais sentir l'odeur de tabac s'infiltrer dans mes narines. Le club qui se trouvait en sous-sol, avait des airs de salons, c'était un endroit intimiste. J'avançais, envahis par la suavité de la musique jazzy et l'odeur de cigarette, vers une petite table au fond de la pièce. Le club donnait l'impression de voyager dans le temps, et pendant quelques instants, l'on pouvais se croire dans les années trente, parfum d'insouciance. Je commandai une bière à la serveuse qui était venue prendre ma commande, et lorsqu'elle s'éloigna de moi, je fouillai dans la poche intérieure de ma veste à la recherche de mon paquet de cigarettes. La jeune femme revînt m'apporter ma boisson, et la clope coincée entre les lèvres, je murmurai un - « Merci. » - avant d'enflammer à l'aide de mon briquet ma dose de tabac. J'inspirai la fumée, et la laissai s'échapper de ma bouche en formant un nuage presque artistique. Il était 22h40 quand la douce voix de la chanteuse accompagnée par un trompettiste, résonna dans mes tympans. Cela me faisait du bien, après une journée de boulot à l'Australian Federal Police, de pouvoir me ressourcer dans un endroit comme celui-ci. J'aimais cet endroit pour la sérénité qu'il apportait, je suis plutôt quelqu'un de solitaire et je ne m'en plains pas, et le club n'était jamais bondé, il n'y avait jamais foule, c'était assez plaisant. Quelque rires agrémentaient le son musical, mais rien de bien bruyant. Quelque chose de chaleureux, non d’étouffant, le Paris Cat était comme mon deuxième chez moi. Le premier n'étant pas cet appartement que j'avais sur Gold Coast, mon véritable chez moi restait l'Ukraine. Parfois des souvenirs de gamins remontent à la surface, et je revois ma mère danser au son de la musique, ses cheveux ambrés valsant dans les airs et son regard mordoré empli d'amour et de tendresse. Le Paris Cat me rappelait ce cocon maternel envoutant dans lequel on se sent si bien, que l'on pourrait y rester pour toujours. Nous arracher à ce bonheur semble alors si brutal.

Cigarette kiss the flame. But the mouth kisses the woman

Ambiance : THE GIRL FROM IPANEMA - STAN GETZ & JOAO GILBERTO

Alek & Evey

Ce soir, pour ne pas changer, j'étais seule. Je ne comptais plus les soirées passées à attendre. Ou a travailler pour oublier d'attendre. Je ne savais pas vraiment ce que j'ai envie de faire ce soir. Regarder un film? Non pas vraiment. Je n'étais pas d'humeur. J4avais passé toute la journée dans le projet que nous avions. Et même si j'aimais mon boulot à la folie. J'avais bien besoin de maintenant de ne penser à rien de ne pas réfléchir et de me laisser porter. J'avais pensé un moment à appeler Liberty pour savoir si elle voulait sortir ou pas. Mais je me suis ravisée. Elle m'avait déjà prévenue la veille qu'elle avait quelque chose de prévu ce soir. Je soupirais. Bon j'allais bien passer le temps toute seule, m'occuper, non? Assise dans le canapé je feuillerait le journal avec très peu d'attention. Je l'avais déjà lu au petit déjeuner. Mais non je n'y trouvais plus rien d'intéressant. Je regardais ma montre. 20h. Il était trop tôt pour que je me couche. Sans compter que je n'avais aucune envie de dormir. J'allumais un peu la télévision. Que je regardais une bonne trentaine de minutes. Regarder ou essayer de suivre un film qui est entrecoupé toutes les sept minutes de publicité, il n'y a rien de plus chiant. Je soupirais. Qu'est ce que je pouvais bien faire. J'allumais la chaine. Je ne me souvenais pas de ce qu'il y avait dedans. Hé bien en fait il y avait un cd que j'appréciais beaucoup. The girl from Ipanema. Tout d'un coup la lumière se fit dans mon esprit. Voilà ce que j'allais faire ce soir. J'avais entendu parler au boulot d'un club de Jazz. Le Paris Cat. Je n'en avait entendu que du bien. Franchement si ça ne me détendait pas ce soir! Je me mis donc en route pour aller à ce club de Jazz. Je supposais, je l'avais entendu dire, qu'il y aurait de la fumée. J'étais pas une fumeuse. Mais vraiment pas. Cela dit … je ne me plaindrais pas. J'allais dans un endroit pareil, on ne m'a pas demandé d'y aller hein. Et puis je respecte certaines choses. Et puis … ca fait partie du charme. De l'atmosphère. Quel moyen de transport? Bah mes pieds m'sieurs dames. J'aime pas les voitures. Non correction, j'ai peur des voitures. Le dicton « femme au volant accident au tournant » prendrait tout son sens avec moi. Et pourtant je n'aime pas ce genre de phrases sexistes. La conduite est quelque chose que je n'aime pas. Alors bah … je me suis fait des cuisses en béton (tu veux toucher?) à force de marcher. Je voyais déjà l'enseigne. J'avais un petit peu chaud. Il faut dire que je n'avais pas forcément choisi les meilleurs habits. J'espérais qu'on me laisse entrer quand même en petite jupe crayon et avec un gros pull à col roulé. Bah oui que voulez vous, chez moi j'aime être bien au chaud. Mais non pas de problèmes. Je m'assis à une table non loin de la scène. Pour une fois la fumée de m'est pas inconfortable. C'est même plutôt agréable. Oh je ne me mettrais pas à fumer pour ça. Mais l'ambiance était vraiment sympa. Je commandais un verre de Bloody Mary. Un goût particulier. Mais que j'appréciais énormément. Je regardais la chanteuse sur scène. Elle était douée. C'est indéniable. Une fois mon verre en face de moi je retirais cet énorme pull et m'enfonçais dans mon siège.

J'inspirais une bouffée de ma cigarette qui se consumait avec lenteur. J'avais le regard posé sur point derrière les musiciens, je ne regardais rien en particulier. Je préférais me laisser envahir par les vibrations musicales qui résonnaient contre les parois du club. Outre la voix de la chanteuse, je pouvais percevoir des bribes de conversations, comme un bruit de sauterelle, à peine audible mais qui pourtant reste présent. Ce moment me rappela un instant de mon passé, passé que malgré tous mes efforts je n'oublierais jamais. Les murmures de sauterelles se transformèrent en morceaux de phrases, des phrases ponctuées d'un accent russe familier. J'avais déjà vécu une soirée du même genre. Et je me souvenais encore de feu Zetrov qui me soufflait d'une voix supérieure - « Ça coule dans tes veines Aleksandrev, c'est ce que tu es. » - Un tueur. Il m'avait formé à l'être, pour lui, pour qu'il ne se salisse plus les mains comme il avait l'habitude de faire, pour qu'il puisse prendre du bon temps avec ses putes russes. Il m'avait créé de toute pièce. Et son invention s'était retournée contre lui quand j'avais appris qu'il avait commandité le meurtre qui a ruiné ma vie. Je l'avais tué, mais la vengeance m'avait obligé à fuir mon pays, mes origines. J'avais du sang sur les mains, je prenais du bon temps, en gros j'étais devenu comme lui. Et cette idée me répugnais. Seulement la différence c'est qu'il n'avait aucune morale, alors que moi je servais le pays dans lequel je vivais. Je n'étais pas un mafieux pourri et je ne détruisais la vie que de gens qui le méritaient, que de criminels, ou potentiels criminels. That's who you are, it's in your blood. La musique s'arrêta un moment, une fraction de seconde, pour reprendre de plus belle. Cela me sortit de mes pensées, et je vis à quelques tables de là une silhouette emmitouflée dans un pull. Je me mis à la fixer instinctivement, elle me rappelait quelqu'un. Mais tout de suite, je ne saurais dire qui. Peut-être que tout simplement celle-ci me rappela les jeunes filles ukrainiennes, se protégeant du froid. Le regard toujours rivé sur la jeune femme, je bus une gorgée d'alcool. La demoiselle se découvrit et me sembla alors tout à fait australienne et étrangère. Parfois je me demandais pourquoi après tout ce qui m'était arrivé, je m'accrochais encore un passé douloureux. Pourquoi partout ou j'allais je voulais croire que cet endroit était une nouvelle Ukraine qui me tendait la main. Sans doute parce que j'espérais y retourner un jour, bien que sachant pertinemment que ce ne sera plus jamais le cas. Je me dis alors que finalement, peut importe ou j'irais, mon passé me rattraperait sans cesse, et le spleen de mes souvenirs ne me quitterait jamais.

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Ambiance : THE GIRL FROM IPANEMA - STAN GETZ & JOAO GILBERTO

Alek & Evey

J'étais assise. J'écoutais cette musique. Non je la vivais, je la ressentais. Elle entrait en moi et me faisait vibrer. Il n'y avait vraiment qu'elle pour me faire réagir ainsi. Enfin. Elle est Iggy Pop. Mais alors là, absolument rien à voir. Mais rien à voir. Une splendide chanteuse, à la voix mélodieuse, une musique entraînante. Et un roi iguane. Peut être que j'aime Iggy pour ça justement. Parce que j'aurais toujours voulu être un iguane. Non c'est une phrase débile ça. On raye cette phrase de mon esprit. Allez plus vite que ça. j'aurais voulu être un iguane, non mais et puis quoi encore, vive dans un vivarium? Cette musique que je ne connaissais que trop peu à mon goût s'infiltrait en moi alors que je retirais mon pull. Pourquoi est ce que je m'avais autant emmitouflée. Je réalisais rapidement que ma tenue n'avait rien de glamour. Un débardeur type marcel blanc qui devait avoir appartenu à Emeric vu la taille. Je n'étais pas des plus féminines. Ce soir. Et à vrai dire je ne suis pas de celles qui passent trois années devant leur garde robe pour trouver LA tenue de rêves pour sortir. Et comme je ne m'étais pas changée de la journée. Ca avait été Jeans. Basket. Marcel. La moue dubitative je regardais autour de moi. Les gens semblaient tout de même plutôt bien habillés. Assez classe. J'allais faire tâche. Bon tant pis. J'entrepris donc de remettre mon pull. Quitte à avoir trop chaud, je ne tenais pas à me faire remarquer. J'avais envie de rester ici. J'en aurais presque même envie de fumer. Bon bien sûr je dis bien PRESQUE! C'est le mot le plus important. Je souris au serveur quand il revint avec ma commande. Un bloody mary. Je ne prenais pas souvent d'alcool. Mais un petit peu de temps à autre ne pouvait pas faire de mal, non? Surtout à petite dose. Et dans des endroits pareils. Je crois que dans un bar comme celui ci, boire du jus de fruit pourrait être considéré comme un crime. Il y a une ambiance et un atmosphère à tenir. La voix de la chanteuse stoppait tout comme la musique et je fus une des premières à applaudir à tout rompre. Un nouveau morceau reprenait. C'était calme ici et agréable. Reposant. Je pouvais penser. Sans avoir mes pensées polluées par mes questions sur Emeric et le devenir de notre couple. Je pouvais penser … que ça faisait vraiment trop longtemps que je n'avais plus été dans un bar seule. Et pourtant. Seule je l'avais été relativement souvent ces six dernières années. Je m'installais dans la chaise, posant mon dos dans le dossier et regardais à droite et à gauche. C'est là que je l'aperçu. Il était une nouvelle fois seul. C'était dommage. Il l'était presque tout le temps. Il allait penser que je le suivais. Ca n'était pas le cas. Oui j'avais peut être fait quelques recherches, ou au moins essayé de voir ses habitudes. Mais depuis notre rencontre dans les bois, j'ai cru comprendre qu'il était du genre solitaire. Sans beaucoup d'ami. Et moi. Persévérante. J'allais être son amie. Qu'il le veuille … ou pas. Enfin … si dieu le veut. Je lèves mon verre en sa direction et en le regardant lui fais un signe pour le saluer. Lui montrer que je l'ai vu. Je ne me lèverai pas, je ne m'inviterais pas à sa table. Mais s'il me répondait positivement, je l'inviterais en revanche à me rejoindre à le mienne.

La jeune femme retira son pull, peau bronzée, débardeur blanc, rien de ce que j'avais pu imaginé. Mais qu'est-ce que j'imaginais aussi, j'étais en Australie, et il fallait que je m'y fasse. M'y ferais-je un jour ? J'en doutais. La jeune femme n'étais rien de ce que je croyais, cette endroit était australien, rien de plus, rien de moins – bien qu'il avait des allures jazzy américano-françaises. Je m'enfonçais dans mon siège, soupirant. Négligemment je saisis ma bière et bu ma dernière gorgée. It's in your blood Aleksandrev. J'effleurais mon arme d'un geste furtif du revers de ma main. Comme pour m'assurer qu'elle était toujours là. Et elle l'était. C'était dans ma nature, mon instinct, me surprotéger, me battre, survivre comme je l'avais toujours fait, peu importe l'endroit, peu importe le moment. Les événements qui s'étaient succédé dans ma vie avaient fait de moi ce que je suis aujourd'hui et il n'aurait pu en être autrement. Ces pulsions animales en moi faisaient de moi quelqu'un de dangereux certes, mais aussi quelqu'un d'humain, d'imparfait, de tangible. Rien n'avait plus d'importance alors que de se sentir vivant, même s'il fallait se prendre une claque ou deux, se blesser, frapper, tant que l'on peut se sentir en vie, voilà ce qui était important. Bien sûr ce n'était que ma façon à moi de le faire, une parmi tant d'autres. Je reposai ma bière vide sur la table et repris ma cigarette qui se consumait encore laissant échapper une fine fumée du cendrier. Je tirai dessus, inspirant le tabac, le laissant s'infiltrer dans ma gorge comme une sorte de fatalité. Un instant je fermai les yeux, chantant la musique que j'entendais dans ma tête, jazz, country, toutes les musiques authentiques qui valaient la peine d'être écoutées. Celle-ci en faisait partie, c'était quelque chose de relaxant, se trouver là, assis et se laisser envahir par une ambiance pareille. Mon regard voguait dans la pièce intimiste, sans but réel, sans perchoir sur lequel se poser. Puis enfin j'aperçus un geste, un signe de la main de la jeune femme que j'avais épié auparavant. Son visage désormais tourné vers moi je la reconnu. Elle n'était pas si inconnue que ça, c'était la jeune femme que j'avais rencontré lors d'une de mes promenades en forêt. Je soufflais doucement, seul moi pouvais le percevoir. Evey. Elle n'était pas méchante, cependant elle me paraissait collante. Enfin du genre curieuse pour pas un sous, qui ne vous lâche pas d'une semelle sous prétexte que vous êtes seul, alors que pour moi la solitude n'avait rien, mais alors rien de déplaisant. Evey leva son verre dans ma direction, comme si elle voulait que je la rejoigne. Je lui adressais un demi-sourire alors que dans ma tête je pensais oh merde, non pas elle. Je devais avoir un problème à ne pas aimer être en société, j'étais persuadé que c'était ce qu'elle pensait, mais je m'en fichais, j'étais comme ça, sans le moindre désir de changer. Elle avait tout de même le regard insistant et je ne voulais pas paraître désagréable ou impoli – alors qu'en temps ordinaire j'en aurais rien eu à foutre – je me levai doucement de ma table et marchai jusqu'à elle, nonchalamment - « Bonsoir, Evey. »

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Alek & Evey

Oui oui, je peux me montrer collante et assez chiante. Que voulez vous, je suis ainsi. En fait je ne peux pas me passer de monde autour de moi, d'amis. D'un entourage. Et je pense qu'il en est de même pour tous. Je n'aime pas voir les gens seuls dans leur coins. Comme Alek par exemple. Il est tout seul, bon je devrais peut être pas même certainement pas du tout me mêler de ce qui ne me regarde pas. Mais que voulez vous, je suis ainsi, pas bien méchante pour autant hein. Je ne veux le mal de personne, seulement je ne me rend pas vraiment toujours compte que je peux être déplacée. Enfin quoi, je suis chou non? Je suis pas à croquer. bouuuuh là t'es surtout vaniteuse! non mais voilà. On ne peut pas m'en vouloir bien longtemps, nope? Quand même j'ai une bonne bouille. Oui bon j'arrête promis. Je le regardais et levais mon verre pour lui dire bonjour. Comme il me répondit je l'invitais à venir me rejoindre. Mais il n'était pas obligé de le faire. Il pouvait aussi très bien rester dans son coin. A profiter en solitaire de cet atmosphère super. Mais non, il se levait. L'espace de quelques secondes je crus lire dans ses yeux une certaine … comment dire … réticence à venir me voir. Mais je devais certainement me tromper bon dieu que je peux être naïve parfois s'en est ahurissant! Il vint en face de moi et me saluait comme il se doit. « Bonsoir Alek. Comment ça va. » un sourire aux lèvres je plongeais le nez dans ma boisson pour en prendre deux précieuses gorgées. « Tu connaissais cet endroit? Moi c'est la première fois que je viens. Mais c'est superbe! » je souris dévoilant mes dents. Je regardais aux alentours, je me demandais vraiment comment je n'avais jamais pu connaître ce bar avant.