Le 3420 était enfin habité. Après des mois à voir cette affiche «À vendre», puis quelques jours où un «Vendu» fut rajouter, par fierté des anciens propriétaires qui venaient d'enfin se libérer d'un poids incroyable, voilà que les nouveaux voisins arrivaient. C'était un lundi matin, tout était très banal. Moris le facteur était passé il y a de cela quelques heures, apportant avec lui rien d'autres que des factures. De mon séjour, j'ouvrais tranquillement les enveloppes, sirotant un bon chocolat chaud miraculeux, à l'air climatisé. Il fallait dire qu'il faisait chaud à l'extérieur, et j'étais très bien dans ma demeure. De la grande fenêtre du salon, je voyais le camion stationné de reculons dans l'entrée avec les déménageurs qui se promenaient. Je devais encore attendre. Je guettai toutefois la maison en face de la mienne, celle d'Evey Williams, qui avait un talent inné pour arriver avant moi chez les nouveaux voisins. Elle passait pour la jeune femme accueillante et chaleureuse, alors que moi je passais pour la deuxième, la cinglée qui copie l'autre. Cette fois allait être différente. Une fois les déménageurs partis, j'allais attendre un petit 45 minutes puis j'allais aller porter un plat de cupcakes aux nouveaux arrivant. Dans le quartier, une règle d'or avait été instaurée, il fallait attendre une heure avant d'aller souhaiter la bienvenue aux nouveaux. Cette fois, j'allais déroger. Je n'allais tout de même pas être éternellement la deuxième !

Après avoir ouvert mes lettres, je ne savais plus comment m'occupée. J'étais debout depuis un bon moment déjà. J'étais passé à ma boutique une heure ou deux, juste le temps de regarder la paperasse et d'en avoir mal au coeur. J'allais laisser tout cela à mon comptable, c'était plus simple. Puis j'étais revenue à la maison, attendant impatiemment que le camion débarrasse. Je ne pouvais pas cuisiner, par peur d'avoir quelque chose sur le feu quand j'allais enfin pouvoir aller leur souhaiter la bienvenue. Je pouvais faire un peu de lecture, alors ? Malheureusement, je n'étais pas allée à la bibliothèque dernièrement et je n'avais pas de nouveau roman à lire. Je me souvins alors que j'avais acheté une revue à potin dernièrement, ayant vu un article sur un acteur que j'appréciais particulièrement. Je courus jusque dans ma chambre et réapparu quelques instants plus tard dans le séjour. Ouf, je n'avais rien manqué ! Je terminai mon chocolat chaud puis décidai de mettre un peu de pression sur cette peste de voisine. Je délaissai mon air climatisé pour aller m'installer dans la balançoire que j'avais installée sur le porche de la maison. Ainsi, j'étais déjà à l'extérieur, une revue facilement oubliable dans les mains, avec cet air de « je profite de la vie et du silence de mon quartier, même si les déménageurs font un bruit incroyable ». J'avais cet air de je-m'en-foutisme sur le visage, semblant concentrée sur mes potins, alors que toute mon attention était sur le 3420. J'étais prête. À la minute où le camion reculerai, je partirais le chrono de ma montre, et 45 minutes plus tard, je serais en train de sonner chez les nouveaux voisins, un plateau de cupcakes dans les mains. À condition que cette chipie d'Evey ne se mette pas dans mon chemin. Mais pour l'instant, elle semblait tranquille...

On ne peut faire la paix qu'avec ses ennemis.

Ambiance : THAT'S NOT MY NAME - THE TING TINGS

Lisa & Evey

Comme à mon habitude je m'étais réveillée en musique. Iggy Pop Lust for Life. Comme tout les matins. Pour un bon réveil. Plein d'énergie. Et d'entrain. J'aimais ça. J'aimais bouger. Je ne pouvais pas rester inactive. J'avais posé quelques jours de congé. Oh je travaillerait sur des dossier de toutes manières. Et pus Loan m'aiderait aussi. Je pensais lui demander de passer un petit peu à la maison. Demain ou après demain. Pour voir un dossier. Une jeune femme bourrée de talent et très prometteuse cette Loan. Mais bref, ma journée allait être active. Parce que jour de repos ne rimait pas avec inactivité pour moi. Non bien au contraire. Je passais la tête par la fenêtre pour regarder dehors. Le temps était clément. La banlieue semblait calme. Et reposée. Sans vague. Mais vous ignorez qu'en fait une guerre fait rage. Je suis en pleine bataille. Oui. Moi. En pleine bataille. Avec mes petits poings vous ne voyez pas contre qui je pourrais me battre. Et surtout gagner? Mais qui parle de violence. Non au contraire. Et mon adversaire était parfaite. Je devrais bien l'avouer. Toujours un grand sourire aux lèvres. Des muffins qui auraient fait pâlir le diable. Et si seulement c'était la seule chose que cette jolie rousse savait cuisiner … les choses seraient bien plus facile. Tout ce qu'elle faisait était bon à se damner. J'étais peut être son adversaire. Mais je l'admettais. J'avais un opposant de poids en face. C'est la guerre des sourire. Des accueils. La guerre silencieuse et somme toute assez bon enfant de la banlieue. Ne croyez pas que la banlieue est ennuyeuse. Calme. Ou même tranquille. Non loin de là. Y'a qu'a voir les sourires figés que nous nous échangions à travers les rideaux de nos bungalows. Son nom ? Lisa Watson. Redoutable ennemie des beaux quartiers, j'avais pourtant réussi à toujours arriver en premier avant elle. J'étais toujours bien renseignée. J'avais la chance -et le pouvoir peut être- de pouvoir travailler chez moi. Je pouvais donc tout observer de mon living room. Et je ne manquais rien. Jamais. Voilà pourquoi dès que la pancarte « Vendu » avait été plantée sur la pelouse du 3420, j'étais aux aguets. Il y allait avoir des nouveaux. Et donc une nouvelle compétition. Un coup d'œil vers le bungalow en face du mien. Cette chère Lisa et sa chevelure flamboyante semblaient encore sage et pas activée. Bien. J'avais le temps. Je ne comptais pas rater mon coup. J'avais mis au point une nouvelle recette. Bien sûr cent pour cent végétarienne. Parce que manger bio et végétarien ne voulait pas dire se priver. Demandez a Emeric, il ne s'en est jamais plaint. C'était une quiche aux poireaux que je rehaussais toujours avec une pointe de crème. Mais ne rêvez pas c'est pas comme si je vous donnerai la recette. Pas folle la guêpe. J'avais préparé ma quiche la veille. Pour ne pas éveiller les soupçons de mon opposante. Il ne faut pas se voiler la face, malgré les rideaux de nos maisons, nous voyions toujours ce qui se passe chez les gens. Ou on imagine beaucoup en tout cas. Emeric avait trouvé ça assez marrant. Je ne sais pas trop ce qu'il pense de cette guerre de cuisine. Pour sûr il valait mieux se battre avec des recettes qu'avec des armes. C'était quand même beaucoup moins dangereux. J'allumais la chaîne et mis un morceau énergique. Les Tings Tings. That's not my Name. Je souris et mettant le volume assez fort j'allais dans la chambre pour me changer. Je voulais être agréable. Je devenais une de ces femmes de banlieues. Qui voulaient plaire aux voisins? Non pas vraiment. Mais j'avais toujours été celle qui accueillait les autres, les nouveaux. Mais depuis l'arrivée de Lisa … j'ai une concurrente. Ce qui est plutôt rigolo je devait bien l'avouer. Même si elle autant que moi prenions ce conflit au sérieux. Relativement au sérieux en tout cas. Un jean pas trop passé et un T Shirt sur lequel s'étalait l'inscription « I run the world » choisi avec … provocation. Je retournais dans la cuisine après avoir chaussé des petites chaussures à talons et relevé mes cheveux en un chignon. J'avais bien l'air d'une banlieusarde mère au foyer. Et c'était l'image que j'aimais donner dans des moments pareils. C'était à vrai dire un rôle. Mais quel rôle! J'observais une nouvelle fois par la fenêtre. Lisa était sur le porche. Avec un magasine. L'air de rien. Seulement elle et moi savions très bien qu'il n'en était rien. Oh elle me voyait. Je le savais bien. Je n'en avait pas peur. Je retournais dans la cuisine pour chercher la quiche et attendais le départ. Loin de la fenêtre. Et puis j'entendis le camion démarrer. C'était le top départ. D'un pas assuré je sortis de la maison. La nouvelle famille était sur l'herbe et regardait le camion partir. Je tournais la tête pour regarder Lisa qui avait déjà surgit quelques pas derrière moi. « Bonjour Lisa. Quelle belle journée n'est ce pas? » dis-je poliment. Pour le moment j'avais l'avantage. Seulement de quelques mètres. Mais je ne la sous estimais pas. Qui allait franchir le ruban de l'arrivée? Un sourire aux lèvres je faisais un signe de la main aux nouveaux arrivants.

Depuis l'extérieur, je pouvais voir que le calme régnait avant la tempête. Bientôt, la compétition allait commencer, je le sentais au creux de mon ventre. Je fis un rapide saut à l'intérieur, histoire d'aller chercher mes cupcakes pour avoir une avance. De retour sur le perron, je jetai un coup d'oeil en face, dans la maison d'Evey, et aperçu du mouvement malgré les rideaux. Elle aussi attendait impatiemment que le camion des déménageurs recule, pour pouvoir se précipiter vers le 3420. Consciente de cette compétition, je retournai dans ma revue, guettant plutôt le camion que ma voisine d'en face. Ma cloche avec tous mes cupcakes étaient à côté de moi, ils étaient délicieux, j'en avais mangé un la veille pour vérifier. J'avais même été surprise de me rendre compte à quel point ils étaient divin. Ensuite, j'avais pris la peine de leur écrire un « Bienvenue à Currumbin », en mettant toutefois deux lettres par cupcakes, n'en n'ayant pas assez pour faire toutes les lettres...

Le camion recula enfin et j'aperçu Evey sortir de sa maison avec sa tarte à la main. Je me levai donc, déplissai la petite robe jaune fleurie que j'avais mis pour l'occasion, pris mes cupcakes et rejoignis ma voisine avec un sourire hypocrite sur le visage, quelques pas derrière, toutefois. Je me promis de reprendre cette avance assez tôt. Même si j'étais plutôt petite, j'avais toujours eu une bonne musculature, j'allais pouvoir tenir le rythme si j'accélérais un petit peu le pas... Ce que je fis, tout en essayant de rester discrète, pour ne pas qu'Evey voit que j'arrivais bientôt à sa hauteur. « Bonjour Lisa. Quelle belle journée n'est ce pas? » Et voilà, déjà commençait cette petite guerre avec aucune autre arme que son sourire hypocrite. Tout était enclenché, c'était maintenant à la meilleure de gagner. « Bonjour. Oui, je trouve aussi. » Après un petit instant, je remarquais alors le t-shirt qu'avait revêtu mon adversaire. « Sympa, ce chandail. Tu l'as trouvé où ? Dans la section pré-ado chez Wal-Mart ? » Sur ces belles paroles, je pris un pas d'avance sur elle, un très grand sourire accroché sur le visage, pour nos tout nouveau voisins. Je leur envoyai moi aussi la main, surprise de ne pas l'avoir fait avant Evey. J'allais bientôt me reprendre. J'allais gagné cette bataille, j'en était convaincu. Plus qu'une centaine de mètres nous séparaient du 3420. Qui allait être la première, qui allait être la mieux reçue ? C'était ce que nous allions voir sans tarder, mais je sentais la pression de la part d'Evey. Je l'avais dépassé quelques instants auparavant, maintenant elle rappliquait...

On ne peut faire la paix qu'avec ses ennemis.

Ambiance : THAT'S NOT MY NAME - THE TING TINGS

Lisa & Evey

Lisa Watson. Cette chipie était déjà sur mes talons. Je souris douement. Cette petite guerre était quand même assez amusante. Nous n'avions jamais été mauvaises joueuses. Ni été jusqu'à tricher en piégant l'autre. Je n'étais pas du genre à aller la faire rater ses recettes. Ou bien à lui mettre de mauvais ingrédients. Non c'était de bonne guerre. Nous n'étions pas prêtes à tout. Je pense que c'est surtout parce que nous pensions -l'une comme l'autre- à la famille que nous accueillions. Quelle mauvaise publicité de proposer des petits plats piégés. Non. Nous n'étions pas des gamines de huit ans. Nous savions nous comporter. Et pourtant. Nous aimions nous tester et cette petite concurrence qui régnait entre nous. Et qui était -je me devais bien l'avouer- quand même très savoureuse. Elle me rattrapais. Je la saluais poliment, mais tout aussi sincèrement que si j'avais remercié l'inspecteur des impôts de venir saisir ma maison. Et elle le savait. Elle répliquait avec la même pointe d'ironie et d'hypocrisie que moi. Au moins, nous étions classe. Nous restions dans les clous de la décence sans se crêper le chignon à coup de poêle à frire. Sa remarque sur mon T Shirt eut le mérite de m'arracher un sourire large. Et je répliquais du tac au tac « Tout à fait. Je l'ai trouvé juste à côté de ta robe rideaux de grand mère en solde. On en trouve de ces chose chez Wal-Mart, non? » un sourire toujours aussi grand aux lèvres je saluais les nouveaux venus Les pauvres d'ailleurs s'ils savaient ce qui les attendait avec nous deux. Mais nous n'étions pas méchantes, n'est ce pas? Juste un peu -trop?- enthousiaste? Mais voilà elle était quelques pas devant moi. Et le perron du 3420 se rapprochait. Nos semelles avalaient le macadam avec ardeur et frénésie. Celle qui posa le pied sur la marche du perron fut … Lisa. J'avais perdu cette bataille. Mais certainement pas la guerre. Laissant ma concurrente à la joie d'être arrivée en premier je fus la première cependant à ouvrir la bouche pour accueillir nos nouveaux arrivants. « Bonjour. Je me présente. Evey Williams. Votre voisine. » je leur tendais ma main qu'ils serrèrent chacun leur tour. Je me retournais ensuite pour leur indiquer mon bungalow « Lisa et moi venons vous souhaiter la bienvenue à Currumbin. » oui j'avais parlé de Lisa bien sûr. Je ne voulais pas paraître déplacée, et la snober en public. « Si vous avez besoin de quoi que ce soit, mon conjoint et moi serions ravis de vous aider. » un grand sourire accroché aux lèvres je crois bien que si je n'avais pas été aussi obnubilée par la compétition j'aurais vu qu'ils nous regardaient bizarrement.